En Europe, la tradition veut que chaque génération garnisse sa cave à vin pour le bénéfice de la suivante.
Au Québec, notre appréciation du vin étant plus récente, cette maxime n’a pas vraiment cours. J’y ai néanmoins repensé récemment alors que j’ai été invité chez une amie qui a hérité de la cave de son père.
Une rare occasion, donc, pour quelqu’un dans la jeune trentaine de pouvoir profiter des trésors accumulés par son paternel au cours des trente dernières années.
Dans les jours qui ont suivi, je me suis rappelé la sagesse d’investir dans les grands millésimes du Bordelais, me disant qu’il ne fallait pas que je rate ma chance avec les 2009 que la SAQ allait mettre en vente par l’entremise de son Courrier vinicole
Or, ledit Courrier vinicole a été publié la semaine dernière et les prix sont astro-no-miques!
Certes, 2009 est un grand millésime et je m’attendais à ce que les vins soient chers. Je n’ai aucune misère à accepter l’inflation, ni à comprendre que la demande pour les grands vins augmente (notamment en provenance des pays émergents comme la Chine ou la Russie), alors que la capacité de production des vignobles demeure relativement fixe (à qualité égale, du moins).
Ce que j’ai beaucoup plus de misère à accepter, par contre, c’est que la SAQ continue souvent d’exiger des prix qui n’ont aucune commune mesure avec ce qu’on retrouve ailleurs, comme par exemple aux États-Unis ou en Alberta, deux marchés où, faut-il le rappeler, la vente de vin est ouverte à la concurrence.
Une rapide comparaison entre les prix exigés par la SAQ et ceux qu’on peut retrouver chez des détaillants privés comme K&L à San Francisco ou Willow Park à Calgary nous révèle des différences de prix pouvant atteindre 40 à 50 %, même une fois ajusté pour la taxe de vente et le taux de change.
40 à 50 %!!!
Voici quelques exemples :
Château Giscours 2009
SAQ : 99,00 $
K&L: 67,85 $
Willow Park : 65,38 $
Château Lascombes 2009
SAQ : 145 $
K&L : 95,50 $
Willow Park : 114,25 $
Ducru-Beaucaillou 2009
SAQ : 415 $
K&L : 292 $
Willow Park : 355 $
Pourtant, la SAQ n’avance-t-elle pas, pour justifier son monopole, que celui–ci lui procure un des plus grands pouvoir d’achat au monde, ce qui lui permet de négocier des meilleurs prix pour les consommateurs québécois?
Si c’est le cas, comment explique-t-elle que des détaillants privés ne comptant que quelques points de vente arrivent à offrir de bien meilleurs prix qu’elle ne le fait?
La réponse se trouve bien sûr dans l’absence de concurrence…à moins que ce ne soit tout simplement la volonté de flouer le consommateur québécois.
Par ailleurs, pour ceux qui seraient tentés de dire qu’il n’y a pas lieu de verser de larmes au sujet de vins se détaillant à plus de 100 $, qu’il s’agit là d’une juste façon de taxer les riches et de redistribuer la richesse (et vous n’avez peut-être pas tort), vous serez probablement étonnés d’apprendre que la SAQ est miraculeusement compétitive pour les vins se détaillant à plus de 1 000 $.
En effet, la SAQ vend son Pétrus 2009 47 % moins cher qu’en Californie (1 475 $ vs 2 800 $), alors que Lafite-Rothschild se détaille 30 % moins cher ici ( 1 250 $ vs 1 795 $) et Latour 13 % moins cher (1 375 $ vs 1 570 $).
En d’autres mots, les riches subventionnent les très riches. Belle logique…
Je me suis dit la même chose hier en recevant le Courrier vinicole par la poste. Je veux bien aimer le vin, mais là, je débarque.Je vais regarder ailleurs pour garnir mon cellier.
End the monopoly. We don’t live in the dark ages where the government should regulate and control alcohol.
Ce qui me rend triste, c’est que je ne pourrai pas honorer la promesse que j’ai faite à papa. Il me sera impossible de conserver le niveau de qualité de sa cave. Bien sur, il comprendrait… c’est plutôt moi qui ne comprends pas. Comment se fait-il que nous devions payer plus cher que les autres?
Merci d’avoir dénoncé une « société » qui s’aliène de plus en plus les consommateurs de vin de qualité au prétexte de desservir une clientèle plus vaste. J’en veux pas du Little Pinguin….je veux de la qualité et ce, à un prix raisonnable. Or, pour subventionner la succursale de St-trou-trou-des-mieux-mieux qui ne rentre pas dans son chiffre d’affaire, je paye mon bordeaux 2009 2 fois trop cher.
Il est temps que le monopole cesse. L’apparition d’agence d’importation privée ayant pignon sur rue à Montréal ne nuirait pas à la SAQ. Elle ne ferait que desservir une clientèle de pointe qui pourrait enfin jouir d’une gamme de produits trop « petits » pour être acheté par ladite « société ».
Le problème, c’est que nous, les consommateurs de vin haut-de-gamme, nous n’avons aucun poids pour faire changer les choses. On est pris en otage. On est condamné à ne pas pouvoir cultiver notre héritage et à faillir à nos promesses.
Très beau commentaire, Nellie. C’est comme le reste de ce que les baby-boomers nous ont légué : va falloir payer plus cher juste pour maintenir les acquis. Au pire, on se mettra à deux : je viendrai porter mon vin chez vous 😉
Tes trésors seront toujours les bien-venus dans ma caverne!
Il faut faire attention entre « privatisation » et « prix trop élevés ». La preuve, les wine shop aux USA ne sont pas la solution, regardez l’approvisionnement demeure variable, la disponibilité encore plus et les prix suivent les forces du marché. Et oubliez la garantie sur les bouteilles bouchonnées. Les Bordelais nous imposent des augmentations depuis quelques années, nous avons les effets de cela, de manière plus ou moins marquée selon le modèle d’affaires avec lequel nous faisons affaire.
Je ne nie pas que la SAQ ait ses avantages. Offrir un prix compétitif n’en n’est pas un cependant, comme en témoigne ce reportage diffusé vendredi dernier :
http://tva.canoe.ca/emissions/je/reportages/89566.html
Cher Foodczar,
La politique de prix de SAQ, bien qu’imparfaite, demeure un modèle qui génère beaucoup de « + » que de « -« , pour les raisons suivantes :
1- Les primeurs sont souvent comparables, voire meilleures en terme de prix que le reste du Canada et des USA. Surtout, elles sont en ligne avec l’Ontario qui demeure la seule vrai alternative viable. Qui prendra l’avion pour « sauver » 20$ sur 2 bouteilles « tax free » au retour ?
2- L’offre demeure variée et disponible partout. On est loin des sytème privatisé qui annonce telle ou telle bouteille à rabais mais qui est toujours « back-order ».
3- La politique de prix à marge fixe fait en sorte que l’amateur paie les plus grosses fioles moins chère qu’ailleurs. L’argument que les grosses bouteilles sont subventionnées par les petites est de la foutaise car, la TPS et TVQ sont plus élevées, on parle de taxes ascenseur ici…
4- Tant mieux que les petites bouteilles coûtent 1-2$ de plus qu’ailleurs ! Sinon, si elles étaient trop abordables, il y aurait sans doute un (des) groupes qui brandiraient que la SAQ encourage la consommation en attirant à petits prix des gens qui deviendront alcooliques…
5- Personellement, le reportage JE vise une clientèle de téléspectateurs qui n’est probablement même pas au fait de cette situation mais qui se régale d’un pseudo scandale à 5¢ !!!
6- Je ne travaille pas pour la SAQ et je n’ai pas d’argent à jeter par les fenêtres.
7- La problématique de Bordeaux 2009 et 2010 qui sera aussi UNE très grande année est la source, la SAQ et autre ne font que vendre à partir du prix de la matière au départ.
Si ça devient trop cher, faut soit choisir ses chateaux de prédilection, soit aller ailleurs.
En ordre :
1 – Le fait qu’il soit difficile de ramener des bouteilles est sans objet, car cela revient à utiliser un obstacle au libre-marché pour en justifier un autre. S’il y avait plus de compétition et une plus libre circultaion des biens, les prix seraient meilleurs. C’est le monopole et les obstacles irigés pour protéger ce monopole qui font en sorte que cela coûte plus cher. Le fait que le consommateur québécois soit captif ne m’apparait pas matière à réjouissance.
2 – Je vous concède que la plus grande disponibilité des produits en succursale et via les transfers inter succursales est, pour certains qui habitent hors des grands centres, un avantage. Cela ne s’applique pas toutefois aux primeurs car, aux États-Unis ou ailleurs, les commandes se font par Internet et tout le monde peut commander chez un fournisseur donné (du moins au sein du même état).
3 – Ça dépend de ce que vous entendez par grosses fioles. Dans le cas du Pétrus c’est vrai, mais pour les vins de 150 $ et moins au sein des primeurs, ce n’est clairement pas le cas. Pour le reste, je pourrais vous parler d’un Ridge payé 27 $ au Vermont qui se vend 45 $ ici et bien d’autres exemples dans le moyenne-haute gamme.
4-5-6 – Sans commentaires.
7 – Mon billet fait explictement mention du fait que ce n’est pas le prix absolu qui me dérange, mais bien relatif à celui qu’on exige ailleurs pour les mêmes produits.
Cela dit, merci de vos commentaires pertinents et articulés et au plaisir de continuer d’échanger avec vous.
Vous n’êtes sans doute pas au courant, quoique cette information soit de notoriété publique; mais l’argent du vin soutiré par le réseau SAQ paie vos hôpitaux, vos écoles, ainsi que le préposé qui prendra soin de vos vieux parents alors que vous serez occupé à gérer votre collection de crus. Il faut assumer nos choix de société et avoir un peu de vision, ‘savez!
Au contraire, je reconnais volontiers dans mon billet que la SAQ est une forme de taxation. Le problème est que la SAQ n’est pas transparente à ce sujet et se vante que le pouvoir d’achat découlant de son monopole lui permet d’obtenir de meilleurs prix. Or, si c’est vraiment le cas pourquoi n’en fait-elle pas bénéficier le consommateur?
FoodCzar,
Je m’objecte sur 2 points :
La limite des douanes est la même à travers le Canada, donc ce n’est pas de juridiction de la SAQ. Ensuite,il est toujours possible de payer les droits jusqu’à concurrence de 12 bouteilles additionnelles, mais soyons réalistes : surplus de poids, taxes et assises, TPS, TVQ… votre « super deal » est mieux d’en être un ! Je maintiens donc le fait que c’est bien beaux les prix ailleurs, encore faut il est en mesure de les ramener. En économie, le terme approprié serait plus de l’arbitrage que le protectionnisme.
Votre argumentaire sur le point central des différences de prix…. malheureusement magasinez un peu du Clos des Papes, Sassicaia, Orneillaia et autres super-toscans et vous verrez que le deal du Ducru ou du Barton est avantageux aux USA peut-être, mais sur d’autres, on est très bien chez nous.
Aussi, pour le commun des mortels, le Conundrum Caymus se vend plus cher qu’au Québec à la fois dans le Nevada et la Californie, je ne pense que les frais de transport puissent justifier cela….
Merci.